JESSIE WARE

Douce danse
 

Certaines personnes sont exactement la ou elles devraient se trouver, peu importe l’apparence chaotique de leur parcours. Port altier, grâce apparente, sourire chaleureux et communicatif, il est difficile d’imaginer Jessie Ware, 28 ans tout juste, ailleurs que derrière un microphone. Son arrivée sur le devant de la scène fut cependant retords. La vie est une histoire de rencontres, mais il existe peu de coïncidences.
 

Fille du célèbre journaliste de la BBC John Ware, la Brixtionnienne est allée dans une école d’art ou ses camarades de classe étaient Florence Welch (de Florence & The Machine) Felix White (des Macchabees) et Jack Peñate. C’est ce dernier, son meilleur ami au lycée, qui l’a sortie de sa routine pour venir le rejoindre en tournée. En effet, entre son bac et son album, Jessie avait préféré la voie de la raison et terminé des études de littérature pour devenir journaliste. Le succès de ses amies (notamment Adèle) aura fini de la convaincre de mettre sa jeune carrière entre parenthèses et de revenir à la chanson. 
 

Remarquée sur l’album de l’album de SBTRKT, Jessie se fait immédiatement signer pour sa voix pop malléable pouvant aussi bien rappeler Aaliyah que Whitney Houston, tour-a-tour chuchotante et époustouflante. Mais si sa voix est faite pour triompher à la radio, ses sensibilités reposent dans les sonorités post-dubsteppiennes des artistes avec lesquels elle s’encanaille. Ses fréquentations la rende bien plus intéressante que son amie Lianne La Havas qui, malgré un grand talent, semble s’être condamnée à faire dans le Sade de supermarché. 
 

De prime abord, on pense savoir a quoi s’attendre, les premières sorties live de la belle nous laissaient entrevoir un album de vocalises qui aurait pu s’appeler « J’ai une voix » comme son homonyme Jessie J. Mais c’est dans la catégorie des virtuoses maitrisés aux plumes acérées de Frank Ocean ou Alice Smith que Jessie Ware appartient. Si l’influence scandinave de Robyn, d’Annie ou Lykke Li est évidente, ses textes nous montrent qu’aujourd’hui le R&B et la Pop exigent de l’introspection et de la subtilité. Ca tombe bien, Jessie est bien trop mature pour nous faire perdre notre temps.
 

Grace aux compositions de Dave Okumu (de The Invisible), Julio Bashmore, Kid Harpoon et Slime, Jessie Ware nous a offert un des albums les plus actuels du moment sans qu’une once de substance ne soit perdue au profit de la forme. C’est une sonorité synthétique, mais pas artificielle. Les déboires de ce cœur d’artichaut ne nous laissent pas indifférent. « Your words alone could drive me to a thousand tears» commence le titre « Running » et nous plonge dans l’abandon de cette femme moderne qui implore son amant, visiblement un maitre séducteur, sur « Sweet talk » de la laisser s’enfuir « Don’t keep me with the kisses, there’s never any there when I need them».  
 

Etre romantique sera toujours à la mode mais il est si rare aujourd’hui d’avoir un album capable de vous faire danser sur des paroles comme « I thought you knew I had to stay away from you. I fought you hard, yet still you have the power ». On touche à la thérapie mais l’on ne se morfond pas. S’il n’y avait qu’un mot à garder de « Devotion » ce serait l’équilibre. L’équilibre jusque dans ses sentiments. Dans son plus gros hit à ce jour, l’envoutant « Wildest Moments », elle confie « Baby, in our wildest moments, we could be the greatest » avant de se dire que le contraire pourrait être possible, «We could be the worst of all». 

Equilibre, ça se dit « Balance » en anglais, et pour une femme née le 15 Octobre, Jessie Ware porte bien son signe astrologique.